Je pars chez les Trappistes
Posted on December 11th, 2013
On en manque, il nous déserte, il nous fait défaut, nous tend des pièges… Mais qui est cet ennemi tout-puissant qui se joue de nous à chaque instant ? Le temps, bien sûr (ce n’était pas une charade). Grand sujet de philo, le temps… Je laisse à Hegel l’intelligence de nous prouver que nous ne pouvons vivre le présent. Luc Ferry toutefois, revient à une philosophie du temps présent (et avant lui les Epicuriens, les Bouddhistes, les New Age, etc.) et appelle à une vie bonne, à un recentrage sensible faisant appel à notre libre-arbitre, permettant de donner du sens à notre finitude au moyen d’une spiritualité laïque. J’aime ce concept de la vie bonne. Car la notion de temps est intimement liée à celle de mort : on voudrait conjurer par une boulimie de choses accomplies l’angoisse de ne plus être, un jour.
Une chose est sûre, le temps n’existant pas en tant que tel (ou de façon anecdotique) mais seulement en tant que perception, nous pouvons agir. Il nous suffit en effet de considérer que le temps n’est pas un ennemi, mais un ami, que nous avons assez de temps pour, que nous voulons garder du temps pour, que nous allons prendre le temps nécessaire pour. En effet, à force de somatiser le manque de temps, on accroît les affres de notre condition. On bâcle tout, on conduit trop vite, on néglige ses enfants, on se nourrit de surgelés, on remet à un autre jour tout en portant l’angoisse de ne pas y arriver. Bref, on multiplie les occasions de se faire du mal. Si par exemple on se disait que l’on ne doit jamais se hâter lorsqu’on est en retard, on limiterait le risque de laisser ses clés à l’intérieur, de glisser dans les escaliers, d’oublier son passeport, de glapir sur son conjoint ou même d’être responsable d’un accident de voiture.
En partance pour une retraite dans un monastère trappiste, je vais méditer sur le temps. Non, en fait, je vais faire comme d’habitude et pleurer sur mon débordement permanent, mais peut-être qu’avec un peu de courage, ces bonnes idées figureront parmi mes résolutions 2014…
A vous maintenant, j’aimerais bien savoir quelle est votre définition du temps libre !
PS : je ne pars pas chez les Trappistes, mais, pour être honnête, je ne serais pas contre.
L’un des philosophes majeur du siècle dernier, Didier Barbelivien, proche de l’école ionienne, affirmait “il faut laisser du temps au temps”, ce à quoi mon coiffeur répliquait, entre une permanente et un brushing, “oui mais quand même, quel temps de cochon”, et sans doute ajoutait-il ” vous savez, il n’y a plus de saison”. Si nous pouvons remettre en cause ce postulat de salon de coiffure qui voudrait nous faire croire à la disparition des saisons, le temps, lui,existe bel et bien en tant que tel. La preuve en est: selon Goldman&Sachs, “le temps c’est de l’argent” et, reprenant le raisonnement de Socrate: le temps c est de l argent, l’argent a quatre pattes donc le temps est un chat…ou quelque chose comme cela…Bref, le temps existe car un chat existe ( en tout cas le mien oui), l’argent aussi, et de surcroit, il est possible de perdre du temps ( ce que je fais en ce moment) ou de gagner du temps. Jusqu’à preuve du contraire, je n’ai jamais gagné ni perdu quelque chose qui n’existait pas. Mon pragmatisme me pousse à penser que si je perdais quelque chose qui n’existait pas, tout se passerait comme si je n’avais rien perdu du tout. Raisonnement au combien absurde qui vient corroborer mes propos. De même, le bon sens populaire voudrait que ” temps va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise”. Or, il n’est pas simple de briser quelque chose qui n’existe pas , même si dans cette citation, il est plus question de recipient pansu à bec verseur et à anse pour conserver ou servir les liquides, que de temps…Je sais le raccourci est rapide, mais c’est la faute au temps, car j’en ai déjà trop perdu…
Comme disait ce cher Léo Ferré(qui était fâché avec son coiffeur, ce qui vous fait un point commun, en dehors d’un talent fou devant le micro), avec le temps tout s’en va. Mais qu’est-ce que tout ? C’est tout ce à quoi on accorde de l’importance. Je ne dis pas que le temps n’existe pas, mais qu’il n’existe qu’en tant que perception. Sa valeur objective n’existe que comme le repère de ce qui nous semble court ou long, que parce qu’on a le sentiment de l’avoir perdu ou de l’avoir gagné (c’est à dire dans le premier cas d’avoir été confronté à un temps auquel on ne pouvait donner de sens, ou, dans le deuxième, d’avoir accompli quelque chose plus rapidement que ce que l’on pensait). Bien sûr, le bon temps, on sait tous ce que c’est. Comme quoi il peut y avoir une subjectivité universelle du temps.